Reporterre | 21 juin 2025 | Monde

Dépôts pétroliers en feu, usines d’enrichissement d’uranium visées… Les bombardements israéliens sur l’Iran ont déjà des répercussions sur l’environnement. La crainte ultime : que la centrale nucléaire soit touchée.

Beyrouth (Liban), correspondance

Depuis le 13 juin, les frappes israéliennes plongent l’Iran dans le chaos. Au moins 224 personnes ont été tuées, des millions de personnes ont subi des coupures de courant, manqué d’eau potable… Objectif affiché de cette attaque sans précédent : empêcher l’Iran — qui assure développer un programme nucléaire civil — d’obtenir l’arme atomique.

En une semaine, l’armée israélienne a frappé plusieurs sites nucléaires. Le principal complexe d’enrichissement d’uranium en Iran, Natanz, a été en partie détruit lors de l’opération baptisée « Rising Lion ». Ceux d’Ispahan et Arak ont aussi été touchés à plusieurs reprises.

Rafael Mariano Grossi, directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), a confirmé une contamination radiologique et chimique sur le site de Natanz, qualifiant les bombardements de « profondément préoccupants ».

Des experts relativisent ce risque. « Ces installations utilisent le minerai d’uranium tel que sorti de terre, qui n’est dangereux que si inhalé ou touché longtemps sans précautions », explique Robert Kelley, ancien directeur des inspections nucléaires américaines en Irak. « Il suffit donc de porter un masque et des gants, et le danger est minimal », dit-il à Reporterre.

Bruno Chareyron, conseiller scientifique de la Commission de recherche et d’information indépendantes sur la radioactivité (Criirad), est plus soucieux : « Il ne faut pas négliger la dangerosité de l’uranium, a fortiori enrichi, notamment pour la santé du personnel travaillant dans et autour des sites nucléaires bombardés. » L’environnement pourrait être contaminé pendant 4,5 milliards d’années dans le cas de l’uranium 238, précise-t-il.

Et si une bombe touchait la centrale nucléaire du pays ?

Kaveh Madani, activiste environnemental iranien et directeur de l’Institut pour l’eau, l’environnement et la santé de l’Université des Nations Unies au Canada, partage cette inquiétude : « La faune et la flore seront affectées sur le court et le long terme, comme les guépards endémiques vivant autour des sites nucléaires et de lancement de missiles, une espèce déjà menacée. »

Ces explosions font, surtout, craindre un scénario catastrophe. Et si Israël bombardait l’unique centrale nucléaire du pays, celle de Bouchehr « On aurait un scénario similaire à Fukushima — mais il est extrêmement improbable, car cette centrale n’est pas liée au programme nucléaire iranien et ne constitue donc pas une cible pour Israël, a priori », affirme Robert Kelley.

Un porte-parole israélien a annoncé son bombardement le 19 juin, avant qu’un autre ne démente. « En cas de bombardement sur la centrale de Bouchehr et de sa piscine de désactivation, il pourrait y avoir des rejets massifs de radioactivité dans l’environnement », alerte Bruno Chareyron, de la Criirad.

Des dépôts pétroliers en feu

Outre le risque nucléaire, les bombardements ont déjà des répercussions concrètes sur la vie des Iraniens. Le 14 juin, une fumée noire et épaisse inondait Téhéran, faisant tousser ses habitants paniqués, fuyant les bombes. Des avions de combat israéliens venaient de frapper deux installations pétrolières majeures en Iran : le dépôt pétrolier de Shahran au nord et la raffinerie de Chahr-e Ray au sud. En brûlant, le pétrole brut riche en soufre laissait s’échapper un nuage toxique, contaminant les poumons des dix millions de Téhéranais. Le champ gazier South Pars, l’un des plus grands du monde, a aussi été pris pour cible.

« Ces bombardements ont relâché beaucoup de pollution quand le pétrole a brûlé, mais il y a aussi la contamination chimique liée aux explosifs dans les missiles, puis les gaz à effet de serre relâchés dans l’atmosphère », alerte l’activiste Kaveh Madani. Pour lui, l’environnement est devenu la « victime silencieuse » d’un nouveau conflit.

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